vendredi 30 novembre 2012

Écrire 7 :Mécanique du crime parfait, billet de Jacques Côté

Mécanique du crime parfait




Notre écrivain en résidence, Jacques Côté, propose pour son quatrième billet d'une série de six une réflexion sur les manières de liquider ses personnages.
Bang bang
My baby shot me down
- Nancy Sinatra


par Jacques Côté

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Comme le disait Félix Leclerc, « il existe 100 000 façons de tuer un homme ». Et vous, internautes, avez-vous déjà songé à liquider un indésirable ? Les auteurs de romans policiers, eux, ont vraiment l'embarras du choix. Ce sont à leur manière des tueurs à gages, des meurtriers en série. L'histoire de la littérature policière offre tout un arsenal quand vient le temps d'exécuter son prochain : du calibre 38 à la tronçonneuse en passant par l'arsenic, vous trouverez tous les modus operandi.

Dans les années 30, le code Hayes, qui régit les productions hollywoodiennes, interdit aux scénaristes de montrer comment commettre un crime pour en tirer un gain. James Cain, romancier et scénariste de l'excellent film noir Assurance sur la mort, subira de multiples pressions de la part des censeurs du Code de production afin de l'empêcher de montrer la mécanique du crime presque parfait commis par l'assureur (Fred MacMurray) et la plantureuse blonde (Barbara Stanwyck) qui tue son mari pour obtenir la prime d'assurance.
Une ou plusieurs bonnes scènes de meurtre dans un roman font aussi sa qualité. La longue agonie du pédophile dans Les 7 jours du talion et les multiples sévices qui lui sont infligés organisent avec efficacité une grande partie du roman de Patrick Senécal. Il existe des auteurs plus démonstratifs que d'autres et les manières sont très personnelles.

Le meurtre est souvent le point de départ de l'enquête. Sur le plan psychologique, ces épisodes meurtriers sont des éléments forts des romans policiers. Ils donnent aux lecteurs matière à détester et à réparation.

Je dois avouer avoir pris un malin plaisir à tuer Dietrich, le chanteur d'opéra du Quartier des agités. Mais je l'ai regretté, car ce personnage aurait dû revenir dans un autre roman. Sans mauvais jeu de mots, j'ai assassiné trop tôt mon personnage. En revanche, le meurtre du garçon dans Le Chemin des brumes n'est pas montré. Mais son frère, Vincent, qui se trouve dans une chaloupe sur un lac, entend tout. Cette focalisation rend la scène plus tragique, car l'aîné ne peut intervenir : il est témoin du meurtre sans le voir. Ça a été pour moi une des scènes de violence les plus difficiles à écrire.

Que vous ayez affaire à un tueur en série sadique qui prend plaisir à tuer ou à un mari jaloux, vous aurez, selon les motivations de l'assassin, une grande variété de mobiles qui donneront des pistes aux enquêteurs.

Et le meurtre parfait ? Il existe dans la réalité. On n'a qu'à penser à tous ces homicides non résolus. Mais s'il devenait une tendance dans la fiction, ce serait la meilleure façon d'éliminer la littérature policière... Il y a ce désir chrétien enfoui en chaque lecteur de voir la faute punie et réparée, car le cinquième commandement du décalogue l'exige :

Tu ne tueras point.

*


Jacques Côté a publié aux éditions Alire plusieurs romans policiers dont Le Rouge idéal, Le Chemin des brumes et Nébulosité croissante en fin de journée. Il a remporté à trois reprises le prix Arthur-Ellis du meilleur roman policier canadien. Il est également l'auteur de la biographie Wilfrid Derome, expert en homicides (Boréal) pour lequel il a reçu le Grand Prix La Presse de la biographie. Jacques Côté travaille sur une nouvelle série policière, Les Cahiers noirs de l'aliéniste. Deux romans de cette saga historique, Dans le quartier des agités et Le Sang des prairies, ont été publiés. Le troisième tome, Le mausolée du docteur Death, paraîtra à l'hiver 2013.

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