samedi 17 novembre 2012

Écrire 6 : Dédicacer où ne pas dédicacer, telle est ...

Comment éviter de rater complètement sa prochaine séance de dédicace



par Stéphane Dompierre

Dompierre Salon.jpgC'est bien beau écrire des livres, mais l'écrivain, s'il lui arrive un jour d'être publié, devra aussi écrire des dédicaces.
La chose qu'il doit savoir, c'est que la dédicace d'un écrivain, ça ne vaut rien.
Peut-être que dans une centaine d'années, quand le livre sera depuis longtemps épuisé, que l'auteur sera mort et enterré et qu'il sera passé à la postérité, la copie avec sa signature griffonnée dedans vaudra un peu plus que la version hologramme chantée. Mais, pour l'instant, son gribouillis ne fait pas du livre une rare pièce de collection. Le livre n'est pas une carte de hockey à tirage limité et Michel Tremblay est moins rare que Maurice Richard.
Quand un lecteur se donne la peine de se déplacer pour venir nous voir, il faut donc tenter de lui donner un peu plus qu'une simple signature.
C'est là qu'on se met à faire des gaffes.
Moi, ce que j'aime faire, c'est oublier les noms. Je suis super bien entraîné, j'oublie à une vitesse phénoménale. Dis-moi ton nom, tu finis à peine d'en prononcer la dernière syllabe que je ne sais déjà plus si t'es un Guillaume ou une Sylvie. Quand le lecteur me dit son nom, il faut que j'arrête de faire tout ce que je faisais et que je l'écrive tout de suite. Les gens de moins de vingt ans, on leur demande d'épeler. Ils ont une fâcheuse tendance à avoir des Y et des H muets aux endroits où on s'y attend le moins.
Le stress fait qu'on ne sait plus comment écrire. On ne se rappelle plus si « tentacule », c'est masculin ou féminin. Imbécile, un L, imbécillité, deux L, ou bien c'est le contraire ? Et d'abord, pourquoi on aurait besoin d'écrire « imbécile » ou « tentacule » dans une dédicace ? Je le sais pas. Mais ça peut arriver. Le mieux, c'est de pas trop s'écarter de notre vocabulaire de base et d'éviter de se lâcher lousse sur les participes passés suivis d'une phrase infinitive qui s'accordent en genre et en nombre avec le complément direct qui précède le verbe si ce complément est le sujet de la phrase infinitive.
Certains écrivains ont tendance à toujours écrire le même message. Ça peut passer. C'est juste plate quand deux amis viennent faire signer leurs livres en même temps. Avoir plus qu'une seule phrase toute faite, ça évite de voir des lecteurs déçus qui comparent leurs dédicaces et qui ont l'impression qu'elles sortent d'une usine.
En panne d'inspiration, on est parfois tenté d'écrire un « bonne lecture ! » pour en finir. Faut pas faire ça. Le lecteur n'a pas fait la file pour se faire dire « Bonne lecture ». C'est drabe, sans surprise, et ça n'a aucune valeur ajoutée. C'est presque insultant. Tant qu'à faire, aussi bien prendre le livre et cracher dedans.
L'idéal, c'est de prendre le temps de jaser un peu avec le lecteur, de lui poser quelques questions pour essayer de personnaliser sa dédicace.
Évidemment, si t'es l'auteur du guide complet des infections transmissibles sexuellement, tu peux te contenter d'un « bonne lecture », ça va être parfait comme ça.

* Tentacule, c'est masculin.
Illustration : Stéphane Dompierre/Pascal Girard, Jeunauteur.

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