Plan : en avoir ou pas?
Notre écrivain en résidence, Jacques Côté, propose pour son troisième
billet d'une série de six une réflexion sur les plans... En avoir un ou pas? Une
question qui revêt une importance toute singulière pour l'auteur de
polar.
« Travailler avec un plan, c'est comme travailler avec un patron, un patron qui vous dit ce que vous devez faire. Et ce patron, franchement, je m'en passe très bien. »
- Michael Connelly
A-t-on encore aujourd'hui l'idée d'entrer dans une grande ville sans son GPS ? Il y a bien sûr l'avantage d'arriver directement à destination. Mais nous perdons du coup ce goût de l'inconnu, cette possibilité d'égarement qui donne le vertige. Les détours inattendus sont à l'origine de rencontres non planifiées, et qui sait d'un coup de foudre amoureux ou littéraire... Les imprévus embellissent l'existence et la littérature. Il faut préférer les chemins tortueux à la ligne droite.
La complexité formelle de certains romans policiers nécessite l'utilisation
d'un plan pour s'y retrouver. Ces romans ont quelque chose de mathématique avec
des équations à plusieurs termes et il faut savoir gérer leur organisation. À
défaut de plan, il vaut mieux prendre des notes en cours d'écriture lorsque
l'intrigue s'allonge sur des centaines de pages. Gare alors aux erreurs de
logique et aux anachronismes.
Il existe des auteurs qui prévoient tout dans les moindres détails. Ils
écrivent des plans qui ont la taille de petits romans, je pense ici à
Jean-Jacques Pelletier dont les scènes à scènes de La Faim de la terre
font 250 à 300 pages. Un autre auteur, André Jacques, utilise des plans qui
ressemblent à ceux des architectes avec des flèches et des rectangles qui vont
dans toutes les directions.
Plusieurs favorisent un plan ouvert qui laisse place à la spontanéité
pendant le processus d'écriture. Je suis du nombre. Ces plans comportent des
trous volontaires que vient combler le travail de création littéraire au fil des
mois. Si je devais tout prédire à l'avance, avoir l'ADN de mon roman comprimé
dans un plan rigoureux, ce serait comme de passer un an ou deux à monter un
meuble IKEA en suivant le guide d'assemblage. Aussi bien changer de métier...
S'y perdrait l'ivresse propre à l'écriture. Écrire c'est aussi des surprises
qu'on se fait à soi-même.
Lorsque nous sillonnons une ville nouvelle, nous voulons savoir où se
trouvent les grandes
artères et les boulevards afin de nous repérer et je fonctionne de cette
manière avec mes
histoires. J'ai un très « petit routard » de mon roman, un plan minimaliste
avec les grands axes.
Coureur de longues distances, je trouve
fréquemment la suite de mes histoires, la solution à mes problèmes d'intrigue,
dans mes sorties de course à pied. Est-ce les effets combinés de la dopamine
sécrétée par le cerveau et du grand air qui offrent les pistes
nécessaires? Finalement, je travaille avec un plan de cinq à sept pages en
gestation constante. À la fin, le résultat final est loin du plan original.
L'auteur a dû s'égarer quelque part.
Lire les autres blogues de Jacques Côté :
Géographie du roman policier
Polar et investigation
Mécanique du crime parfait Les premiers mots du roman
Polar 101
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