Mécanique du crime parfait
Notre écrivain en résidence, Jacques Côté, propose pour son quatrième billet d'une série de six une réflexion sur les manières de liquider ses personnages.
Bang bang
My baby shot me down
- Nancy Sinatra
par Jacques Côté
Comme le disait Félix Leclerc, « il existe 100 000 façons de tuer un homme
». Et vous, internautes, avez-vous déjà songé à liquider un indésirable ? Les
auteurs de romans policiers, eux, ont vraiment l'embarras du choix. Ce sont à
leur manière des tueurs à gages, des meurtriers en série. L'histoire de la
littérature policière offre tout un arsenal quand vient le temps d'exécuter son
prochain : du calibre 38 à la tronçonneuse en passant par l'arsenic, vous
trouverez tous les modus operandi.
Dans les années 30, le code Hayes, qui régit les productions
hollywoodiennes, interdit aux scénaristes de montrer comment commettre un crime
pour en tirer un gain. James Cain, romancier et scénariste de l'excellent film
noir Assurance sur la mort, subira de multiples pressions de la part des
censeurs du Code de production afin de l'empêcher de montrer la mécanique du
crime presque parfait commis par l'assureur (Fred MacMurray) et la plantureuse
blonde (Barbara Stanwyck) qui tue son mari pour obtenir la prime
d'assurance.
Une ou plusieurs bonnes scènes de meurtre dans un roman font aussi sa
qualité. La longue agonie du pédophile dans Les 7 jours du talion et les
multiples sévices qui lui sont infligés organisent avec efficacité une grande
partie du roman de Patrick Senécal. Il existe des auteurs plus démonstratifs que
d'autres et les manières sont très personnelles.
Le meurtre est souvent le point de départ de l'enquête. Sur le plan
psychologique, ces épisodes meurtriers sont des éléments forts des romans
policiers. Ils donnent aux lecteurs matière à détester et à réparation.
Je dois avouer avoir pris un malin plaisir à tuer Dietrich, le chanteur
d'opéra du Quartier des agités. Mais je l'ai regretté, car ce personnage
aurait dû revenir dans un autre roman. Sans mauvais jeu de mots, j'ai assassiné
trop tôt mon personnage. En revanche, le meurtre du garçon dans Le Chemin des
brumes n'est pas montré. Mais son frère, Vincent, qui se trouve dans une
chaloupe sur un lac, entend tout. Cette focalisation rend la scène plus
tragique, car l'aîné ne peut intervenir : il est témoin du meurtre sans le voir.
Ça a été pour moi une des scènes de violence les plus difficiles à écrire.
Que vous ayez affaire à un tueur en série sadique qui prend plaisir à tuer
ou à un mari jaloux, vous aurez, selon les motivations de l'assassin, une grande
variété de mobiles qui donneront des pistes aux enquêteurs.
Et le meurtre parfait ? Il existe dans la réalité. On n'a qu'à penser à
tous ces homicides non résolus. Mais s'il devenait une tendance dans la fiction,
ce serait la meilleure façon d'éliminer la littérature policière... Il y a ce
désir chrétien enfoui en chaque lecteur de voir la faute punie et réparée, car
le cinquième commandement du décalogue l'exige :
Tu ne tueras point.
Lire les autres blogues de Jacques
Côté :
Géographie du roman policier
Polar et investigationPlan : en avoir ou pas ?
Les premiers mots du roman
Polar 101
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Les premiers mots du roman
Polar 101
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Jacques Côté a publié aux éditions Alire
plusieurs romans policiers dont Le Rouge idéal, Le Chemin des
brumes et Nébulosité croissante en fin de journée. Il a remporté à
trois reprises le prix Arthur-Ellis du meilleur roman policier canadien. Il est
également l'auteur de la biographie Wilfrid Derome, expert en homicides
(Boréal)
pour lequel il a reçu le Grand Prix La Presse de la biographie. Jacques Côté
travaille sur une nouvelle série policière, Les Cahiers noirs de
l'aliéniste. Deux romans de cette saga historique, Dans le quartier des
agités et Le Sang des prairies, ont été publiés. Le troisième tome,
Le mausolée du docteur Death, paraîtra à l'hiver 2013.
J'en prends bonne note et l'inscrit dans «liens intéressants»
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