Kaïken de Jean-Christophe Grangé : l'âme d'un samouraï
CRITIQUE LITTÉRAIRE - Rencontre avec le maître du thriller français qui signe un roman très personnel dans lequel il évoque sa passion pour le Japon.
Jamais Jean-Christophe Grangé n'avait mis autant de lui-même dans un de ses romans. Bien sûr, l'ancien grand reporter, devenu chef de file des auteurs de thrillers français, dans la foulée de son premier gros succès, Les Rivières pourpres paru en 1998, a souvent puisé son inspiration dans ses reportages. Mais, cette fois-ci, le romancier à succès aborde un sujet particulièrement intime pour lui, puisqu'il s'agit du Japon, le pays de sa compagne..
«C'est vrai qu'avec l'âge j'avais envie d'évoquer des thèmes plus personnels. Or, j'ai une passion depuis toujours pour la culture nippone et je vis avec une Japonaise qui est mannequin et comédienne», confie l'écrivain de cinquante et un ans.
Mais attention, Kaïken, dont le titre fait référence au poignard avec lequel les femmes de samouraï se suicidaient, n'a rien d'une bluette sur la vie d'un couple franco-japonais. Il s'agit bien d'un thriller haletant et violent, comme a toujours su les écrire Grangé. Même si, cette fois-ci, l'auteur s'est glissé dans la peau d'un flic parisien, Olivier Passan, dont la femme, Naoko, est japonaise. Grâce à cette spécificité, l'auteur donne au roman une formidable authenticité.
Ce policier atypique, «borderline» à souhait comme les aime Grangé, trouve dans le mythe lié aux samouraïs une aide spirituelle pour lutter contre le mal. Une inspiration qui lui est particulièrement utile au moment où un tueur en série sanguinaire menace sa femme et ses deux jeunes enfants… Au fil de son enquête, de Paris à Nagasaki, le flic découvrira l'âme profonde et inquiétante, ancrée dans la tradition nippone, de son épouse. Une femme qu'il croyait pourtant si moderne. Avec, en prime, une chute spectaculaire très réussie, relevée d'une pointe d'humour.
Grangé utilise son expérience personnelle pour décrire le décalage qui existera toujours entre un Français, aussi passionné soit-il par le Japon, et une Japonaise: «Naoko n'a pas besoin, elle, contrairement à Passan, d'étudier les samouraïs sous toutes les coutures pour les comprendre. Tout simplement parce qu'elle a leur culture, leurs repères, dans le sang.»
À l'origine du mal
Notons que, si ce roman représente une vraie nouveauté dans l'œuvre du romancier, toutes ses obsessions, déjà présentes dans ses précédents livres le sont ici à nouveau. «J'ai toujours eu le sentiment que le plus grave problème pour l'être humain était celui de la quête de son identité, de ses origines. C'est quelque chose de viscéral chez moi. C'est par ce biais que je cherche à découvrir d'où vient le mal», dit l'écrivain.Et l'ancien journaliste sait ne pas tomber dans le panneau d'une simplification manichéenne. Ainsi Passan, dont l'enfance d'orphelin fut chaotique, a réussi à ne pas mal tourner. Malgré ses excès et ses difficultés, il est parvenu à se forger une existence positive, à la force du poignet, dans la police. Par contre, le suspect numéro un, lui aussi malmené dans ses jeunes années, n'a pas su trouver d'issue autre que dans les meurtres. L'auteur ne juge pas ses personnages. Il se contente de décrire leurs faits et gestes qui parlent d'eux-mêmes. Entre les lignes, on comprend que Grangé veut croire qu'il n'y a pas de fatalité, de déterminisme insurmontable.
Avec Kaïken, celui qui publia son premier roman, Le Vol des cigognes, en 1994, prouve que son envie d'écrire reste intacte. «J'ai toujours le feu sacré, mon enthousiasme est entier», dit celui qui se considère comme un artisan passionné et conscient de sa situation privilégiée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire